La guérison : point de vue d’une anthropologue
En tant qu‘anthropologue de la guérison, je me suis particulièrement intéressée à la dimension subjective de la maladie. La subjectivité, c’est la façon unique que chacun a d’être au monde, de réagir aux symboles, d’interagir avec son environnement, de ressentir et d’exprimer ses émotions, etc. Le déclenchement des mécanismes de guérison est directement lié à la subjectivité d’un individu.
Il est intéressant de souligner que le monde biomédical élude la question de la guérison et laisse ce champ libre à la religion. La biomédecine s’intéresse davantage à la maladie et comment la combattre. Elle considère l’être humain comme le lieu de rencontre accidentel entre la maladie et le corps et transforme ce dernier en un champ de bataille. C’est véritablement une guerre que livre la biomédecine à la maladie, une guerre qui s’exprime souvent dans un langage militaire, comme terrasser, vaincre, anéantir, lutter, etc. Ceux qui s’en sortent sont des survivants.
Pour des raisons principalement idéologiques, la biomédecine n’a que très peu étudié comment se déclenchent les mécanismes de guérison. Cette question demeure encore de nos jours un mystère. Toutefois les anthropologues ont acquis certaines connaissances sur le sujet en observant notamment les pratiques de guérison chez différents peuples à travers le monde.
Les anthropologues ont entre autres étudié l’impact du symbolique sur le biologique. Ils ont démontré qu’un acte symbolique a un impact sur le corps, et que cet impact est physiquement observable. Par exemple, si vous avalez un placebo, vous avalez un symbole de médicament et ce médicament symbolique fait réagir le corps et a le pouvoir d’amorcer la guérison. Le placebo est aujourd’hui chargé d’un tel pouvoir symbolique que même si vous l’avalez en sachant qu’il s’agit d’un placebo, il fera quand même de l’effet.
Les symboles n’agissent pas seulement sur notre corps, mais aussi dans toute notre vie, puisque notre vie et notre corps ne sont pas séparés. C’est pour cela que depuis la nuit les êtres humains des temps manipulent les symboles. Les rituels de guérison sont basés sur ce principe. L’hypnose également. En manipulant les symboles alors que la personne est en état de transe, l’hypnothérapeute favorise l’activation des mécanismes d’autoguérison.